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Génération Khomeiny - Iran




Cette jeunesse qui a grandi sous les restrictions des mollahs est devenue friande de toutes cultures ou l'être humain s'épanouit librement. À travers les chaînes étrangères que les classes moyennes et aisées reçoivent par l'intermédiaire des paraboles et les réseaux sociaux, elle se nourrit d'images et d'une existence que beaucoup de jeunes essayent de retranscrire à leur façon. L'usage du maquillage à outrance, les coupes de cheveux colorées, la mode occidentale, les tatouages et la chirurgie esthétique - comme symbole de liberté - deviennent monnaie courante dans la ville de Rasht et les quartiers nord de Téhéran. Transgresser sa peur et les que dira-t-on pour avoir une image de soi qui correspond à ses envies du moment à aussi d'importance que l'émancipation et souligne clairement un ras-le-bol de cette génération pour certaines valeurs traditionnelles islamiques. Une image bien différente a celle que souhaitaient les ayatollahs.

Et puis il y a ces interdits qui touchent principalement les femmes comme faire du vélo, assister à un match de volley-ball ou de football, chanté en solo ou avoir des gestes affectueux envers son petit ami en public sans être marié. Une longue liste qui ne cesse de s'allonger car même si les lois en Iran se font et se défont selon le radicalisme du nouveau procureur élu - Ce qui est interdit peut devenir "permissif" du jour au lendemain et vice-versa - extrêmement rare est le changement d'une loi en faveur des femmes et en général, elle n'est que temporaire. Car la femme iranienne ne vaut que la moitié de l'homme selon la justice de la République Islamique. A cela s'ajoute qu'elles évoluent dans une société patriarcale, avec un statue inférieure à celle des hommes. Difficile donc pour ses demoiselles d'affronter le quotidien.

Afin d'assouvir toute leur frustration, de plus en plus de jeunes s'arment de valeurs et prennent le risque d'outrepasser les restrictions imposées par les autorités malgré la vigilance de près de 4 millions de Bassidji (la police des mœurs) - représentant 5% de la population iranienne - qui surveillent au quotidien les faits et gestes de leurs concitoyens. Certains le font pour l'adrénaline, et la grande majorité, pour dénoncer un manque de liberté et se sentir vivant. À vouloir imposer une batterie d'interdits, le gouvernement a obtenu son propre revers de la médaille. Cependant et même si le régime ne peut prétendre contrôler toute la population, il sait qu'il a acquic au fil des ans un gros avantage. 40 ans se sont écoulées depuis la révolution et rien n'a vraiment été remis en cause et les quelques tentatives ont été rapidement anéanties par la violence. La génération post khomeini sait que la mentalité d'une grande partie des Iraniens est un frein au changement et que le conformisme et la montée du radicalisme n'augurent rien de bon.

Cette jeunesse qui ose exprimer leur désir plutôt que de respecter au sens strict du terme les lois des mollahs ne veulent plus passer inaperçu. Elles revendiquent à leur manière une autre façon d'émancipation, celle d'être accepté par leur apparence et leurs idées par une société autoritaire, comme ils sont...différents.


Symboles révolutionnaires des femmes iraniennes : maquillage et vêtements occidentaux

La beauté de la femme iranienne se caractérise par des sourcils tatoués et aiguisés en forme ascendante, des joues et des lèvres gonflées et profilées, sur lesquelles sont souvent appliquées des injections de botox pour les mettre encore plus en valeur, et un maquillage excessif, du point de vue occidental, pour unifier le visage et couvrir toutes les imperfections de la peau, des ongles parfaitement entretenus, longs et aux couleurs vives. La doctrine officielle soutient que montrer les cheveux d'une femme, le cou ou les chevilles est une provocation et excite les hommes, d'où la justification du hijab, dont l'utilisation est obligatoire dans tous les espaces publics. Cependant, dans certaines villes plus permissives, il est courant de voir femmes dans des vêtements décontractés et modernes, au mépris flagrant des règles imposées par le régime islamique. et qui outrepassent avec une insouciance comme de liberté les restrictions des mollahs . Les vêtements moulants, en particulier les leggings qui marquent la silhouette plus explicitement que les pantalons classiques et qui sont interdits par le gouvernement, sont devenus des symboles révolutionnaires des femmes iraniennes. La jeunesse la plus audacieuse montre un visage plus ouvert de l'Iran : les garçons à la dernière mode occidentale et les filles repoussant les normes islamiques strictes, avec le voile couvrant une partie minimale de leurs cheveux ou laissant des mèches de cheveux libres, comme symbole de rébellion. Les femmes iraniennes renforcent ce qu'elles peuvent montrer, les mains et en particulier le visage. "En Iran, peu importe que vous ayez un bon corps ou de beaux seins, ce qui compte, c'est ce que vous voyez. Les femmes iraniennes veulent être les meilleures, nous voulons être uniques. Les femmes occidentales peuvent montrer leurs cheveux ou leur corps, pas nous. On ne peut pas se montrer, c'est pour cela qu'on s'opère et qu'on se maquille autant. C'est la seule façon de montrer notre beauté. Le hijab nous prive de notre liberté ", dit Ahdiehbr, une étudiante en statistique de 21 ans qui rêve de devenir mannequin et de parcourir le monde.

Rhinoplastie : une tendance qui ne cesse de croître

Avec la rhinoplastie, les Iraniens ont l'intention d'abaisser la cloison nasale prononcée, distinctive du Proche-Orient, et d'élever le lobe. A Téhéran ou à Rasht, les villes les plus "permissives" ou "libérales" d'Iran, il est courant de voir des groupes d'amis ou des couples marcher dans les rues avec une bande sur le nez, symbole sans équivoque qu'une rhinoplastie a été réalisée. Pour les Iraniens, c'est une source de fierté de se faire refaire le nez, et certains d'entre eux portent encore le plâtre longtemps après leur opération. "En Iran, la rhinoplastie n'est pas seulement un symbole de beauté mais aussi de statut social ", explique le Dr Somayeh, une chirurgienne plasticienne de 33 ans de la ville de Lahijan, en Iran, qui pratique par l'exemple parce qu'elle se fait opérer du nez. Selon le Dr Somayeh, "la rhinoplastie est aujourd'hui une tendance croissante en Iran. Dans le passé, la rhinoplastie était pratiquée lorsque le patient avait un problème et ne pouvait pas bien respirer. Maintenant, c'est une mode. Beaucoup de femmes veulent un nez plus petit, d'autres un nez fantaisiste. Cependant, je les encourage à être plus naturels et à avoir un nez plus symétrique en fonction du contour de leur visage. Chaque nez est spécial pour chaque type de visage. Chaque patient a une rhinoplastie personnalisée. Évidemment, il y a encore ceux qui rêvent d'un nez de barbie. Les Iraniennes pensent que leur nez est trop gros et cela affecte leur estime de soi. Elles veulent ressembler à des actrices hollywoodiennes. "La principale raison pour laquelle les opérations de chirurgie esthétique ont tant augmenté en Iran est le déclin de l'estime de soi ", affirme le Dr Somayeh. Quand les femmes ne trouvent leur place ni dans la société ni dans leur vie, elles essaient de la trouver en chirurgie. La chirurgie esthétique chez les jeunes filles a un effet positif sur leur estime de soi et elles se tournent vers la salle d'opération dans l'espoir d'avoir une meilleure vie sociale et de trouver un bon mari - car les hommes iraniens aiment les femmes aux grandes lèvres, au petit nez et aux grands yeux.

Le visage comme carte d'identité

Avec le hijab et le reste du corps couvert, mon visage devient ma priorité. Je l'aime et j'investit de l'argent et du temps pour être belle car c'est ce qu'on verra de vous en premier. Je pense que la beauté pour les jeunes femmes iraniennes est la chose la plus importante car c'est notre carte d'indentité." avoue Ahdieh, qui a mis le soi-disant "nez barbie ou fantasme", porte des sourcils tatoués, des lèvres botoxées et, comme la grande majorité des Iraniennes non religieuses, emploie du maquillage à profusion. Reihane a 30 ans, elle travaille pour une entreprise de construction en tant qu'ingénieur-conseillère, où elle conçoit et supervise des projets gouvernementaux. Elle est célibataire et vit avec sa mère dans un petit appartement cosy . Elle gagne un bon salaire qu'elle investit en grande partie dans les opérations, les traitements esthétiques et le maquillage. Elle a subi une rhinoplastie et rêve de se faire opérer les yeux, car selon la jeune femme "sans maquillage mes yeux sont très ronds et j'aimerais les avoir plus étirés". Elle porte aussi un appareil orthodontique afin d'obtenir des "dents bien alignées et parfaites" souligne t'elle. En Iran, la dentisterie est plus chère que certaines opérations esthétique car les matériaux utilisés doivent être importés d'autres pays. Ses ongles sont parfaitement soignés, très longs et tranchants, mais sans couleur, et ses cheveux blonds sont décolorés. Son style rappelle celui d'une poupée Barbie. "Les femmes iraniennes essaient toujours d'être parfaites, pour nous la beauté est très importante. Nous voulons être belles, d'abord pour nous-mêmes et ensuite pour mieux vivre au jour le jour." et poursuit " Nous avons avons appris à vivre dans un système machiste mais quand on se retrouve chez soi, entre amis la réalité est différente. J'aimerai pourvoir retrouver cette sensation de liberté que j'éprouve chez moi partout où je vais". "En Iran, il y a une telle obsession de la beauté que même dans les hôpitaux, mes collègues portent du maquillage et les ongles peints ", déplore Setare, une infirmière de profession qui n'a pas accepté d'être photographiée. "Dans les hôpitaux, la norme est de ne pas se maquiller. Cependant, elles le font toutes sauf moi, ce qui me vaut d'être traiter par mes collègues de démodée".

Les coupes de cheveux, les couleurs et les tatouages comme un simbole de liberté.

Les tatouages ne sont pas interdits par la loi en Iran, mais ils sont rejetés par les autorités iraniennes. Les tatoueurs qui cherchent à travailler dans le pays risquent des amendes, la flagellation ou l'emprisonnement. Milad, un garçon de 19 ans à enfreint les règles en s'étant fait tatouer tout le corps, ce qui lui a coûté de sérieux problèmes avec les gens et la police. "Le gouvernement n'accepte pas mes tatouages ; les gens disent que je représente la réincarnation du diable. J'ai été arrêté à deux reprises. La dernière fois, ils ont même essayé de me tuer en prison parce qu'ils voyaient en moi un suppo de Satan. En Iran, je ne peut-être qu'une personne frusté," déplore Milad. "J'aimerais que beaucoup de choses changent, mais ce par quoi je commencerai n'est pas pour le gouvernement, mais pour la société iranienne, pour la mentalité du peuple. Nazanin, 21 ans, n'est partisan ni de la chirurgie esthétique ni du botox. Pour Nazanin "la beauté est dans le cœur, dans le sourire et dans les yeux des femmes. Certaines femmes opérées et botoxées deviennent de vrais monstres et ne s'en rendent même pas compte. Cependant, Nazanin ne passe pas inaperçu dû à la couleur de ses cheveux. "Un jour, je me suis coupé les cheveux et je les ai teints en bleue qui est ma couleur préférée. Quand je suis rentrée chez moi, mon père était très en colère et il a cessé de m'adresser la parole pendant une semaine ", déplore la jeune femme. Sa transgression lui a coûté beaucoup d'ennuis avec sa famille, mais c'est sa façon d'aller à l'encontre d'un gouvernement qui opprime les femmes et les force à porter le hijab, un bout de tissu qu'elle porte par négligence, exposant pratiquement toute sa chevelure bleue coupée à la manière occidentale.

"Tout est apparence"

"Dans la rue, tout est apparence ", explique Shoreh, une jeune infirmière de Rasht qui défie clairement les règles imposées par le régime islamiste, " On ne peut pas fumer en public, on ne peut pas boire... En réalité, tout est possible. Partout on trouve de l'alcool, du tabac importé et d'autres substances, il suffit juste de demander dans ses établissements (hôtels, restaurants et même supermarchés) pour obtenir ce que vous voulez. Les femmes fument dans les cafés , les plus audacieuses, dans une rue cachée de Téhéran ou de Rasht. La grande majorité de la population iranienne n'est pas religieuse. Nous avons dû adopter la religion musulmane par obligation, mais nous ne sommes pas pratiquants." "Rasht est la ville la plus permissive d'Iran ", affirme Anahita, l'amie de Reihane, maquilleuse et tatoueuse de sourcils. Pour être au top elle emploie les grands moyens - maquillage à profusion, faux cils, faux ongles - qu'elle estime indispensables pour se voir belle et attractive. "Il y a des restaurants où ils jouent de la musique et où les gens dansent. Si la police passe par là, elle inflige une amende aux propriétaires de l'endroit. Mais, ce n'est pas un problème si vous avez de l'argent. En Iran, il y a beaucoup de corruption en raison des interdictions imposées par l'État. Les gens organisent des fêtes privées et nous nous habillons à la mode occidentale, avec des minijupes et des tenues de soirée sexy, nous buvons de l'alcool, fumons et dansons au rythme de la musique perse et anglo-saxonne. Bien que le gouvernement le sache, il ne peut rien faire : il ne peut pas mettre tout le monde en prison. Ce soir pour Reihane, Anahita et Penjman se sera le Pala Kebab - un restaurant iranien exclusif et recherché situé à quelques kilomètres de la ville de Rasht où il y a de la musique live. Lorsque la lumière s'éteint, la plupart des femmes laissent tomber leur hijab et allument leurs cigarettes. Dans l'obscurité, les flasques de poche à ras bord d'alcool font leur apparition. Les quelques centilitres de vodka versée sont rapidement noyer par la limonade pour éviter tout ennui. L'atmosphère se réchauffe et chacun commence à se dandiner au rythme de la musique assise sur sa chaise. Bien que la danse soit interdite, certaines personnes audacieuses se lèvent et commencent à faire quelques mouvements de hanches qui sont immédiatement interrompus par le staff du restaurant et les forcent gentiment à se rassoir. ; lorsque la lumière s'intensifie à nouveau, elles remettent leur voile et éteignent leurs cigarettes.

"Nous voulons récupérer nos droits sociaux"

Sous le régime des Mollahs, érudits musulmans, les femmes ont perdu tous leurs droits sociaux. Même si elles peuvent aller à l'université et être médecins ou ingénieurs, elles seront soumises à la tutelle masculine jusqu'à la fin de leurs jours. Leur père ou leur mari décidera si elles peuvent étudier ou travailler. Le gouvernement emploie également des milliers d'agents infiltrés, la soi-disant police des moeurs ou bashashi, pour faire respecter les règles imposées par le régime islamiste. L'Iran accuse les femmes qui retirent leur hijab d'inciter à la prostitution. Chaque mercredi, des dizaines de femmes se dévoilent, pendant une dizaine de minutes, pour protester et revendiquer leur droit de ne pas porter de hijab, défiant un régime qui les opprime. Le soi-disant mercredi blanc a commencé en décembre 2017, lorsque Vida Movadeh, une femme de 31 ans, est apparue dans une vidéo en agitant son hijab devant une foule. La femme a été arrêtée mais les images de sa protestation ont été viralisées, inspirant de plus en plus de femmes. L'avocate et militante des droits humains Nasrin Sotoudeh a été condamnée à 33 ans de prison et 148 coups de fouet pour avoir défendu des femmes qui avaient enlevé leur hijab. Mobina, jeune étudiante en psychologie à l'Université de Téhéran et amie proche de Nazanin, dit que " personne ne veut de ce gouvernement, personne n'aime les lois imposées par l'État. Trop d'interdictions... Mais tout le monde a peur. L'État contrôle tout et tout le monde. Je n'ai aucun espoir de changement avec le gouvernement actuel. Nous, les femmes, nous nous sentons opprimées.





Texte: Eva Rubio | Photographie: Michel Martinez B.